Lettre Pastorale

Jeudi 15 décembre 2016, par SC dans rubrique Monseigneur Laurent Camiade

Chers diocésains,

A toute heure, le Seigneur embauche pour sa vigne (cf. Mt 20,1). Il nous a fait l’honneur d’être choisis pour servir en sa présence (cf. 2° prière eucharistique). Jésus lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude (cf. Mt 20,28). Servir en présence de Dieu est le privilège de tous ceux que le Seigneur a voulu attirer à Lui dans nos communautés. Son amour pour nous est un amour de "dilection", c’est-à-dire un amour qui choisit. Ce n’est pas un amour en général mais un amour hyper-personnalisé. Etre choisis pour servir nous fait adhérer de tout notre être à notre communauté diocésaine, paroissiale, à notre mouvement ou service ou petite communauté d’Église. De là naît une vocation, un appel à servir qui est un honneur et une joie profonde.
En ce début d’année pastorale, prenons conscience de cette joie immense d’avoir été choisis pour servir en présence de Jésus. Pour favoriser cela, je souhaite proposer quelques axes pastoraux pour l’année 2016-2017 comme je l’ai fait pour 2015-2016 en présentant les projets diocésains du jubilé de la miséricorde. Notre adhésion à la communauté diocésaine doit en effet se concrétiser par quelques lignes communes qui nous aident à sentir que nous ser-vons tous le même Seigneur, dans la même foi, la même espérance et le même amour.
Écrire ses projets permet aussi de relire et d’évaluer. Je souhaite que chaque groupe-ment paroissial décide en conseil pastoral de ce qui sera mis en oeuvre dans la paroisse et des moyens concrets que vous vous donnerez. De même, pour les mouvements et services, les communautés religieuses, sur les points qui les concernent. Il s’agit tout simplement de lire ensemble cette lettre pastorale et de s’en nourrir pour rédiger un projet pastoral de paroisse ou de service pour l’année à venir, qui s’ajuste en même temps à vos réalités propres.

Servir à la lumière de l’Esprit-Saint.

Mgr Turini, en promulguant les priorités missionnaires à la Pentecôte 2008, après la démarche synodale, affirmait que l’Esprit Saint "nous pousse maintenant à avancer en eaux profondes afin de porter aussi loin que possible l’Évangile du Christ, Bonne Nouvelle pour toute l’humanité". C’est un appel pour nous tous, évêque, prêtres, diacres, religieuses, baptisés-laïcs. Le jubilé de la miséricorde doit déboucher sur un renouveau de service qui élargit notre capacité d’aimer, notre capacité de servir nos frères au nom de la Miséricorde infinie du Père. Nous sommes invités à servir par des oeuvres de Miséricorde.
Depuis l’entrée dans le jubilé de la miséricorde à Cahors le 12 décembre 2015, de nombreux événements ont marqué la vie du Diocèse. Les dimanches "accueillir la miséricorde" avec le père Raguis, carme et reçu comme notre "missionnaire de la miséricorde" ; la relecture de la diaconie (service des frères les plus fragiles) dans nos paroisses pour en rendre grâces le dimanche de la miséricorde ; la mission Zachée ; et beaucoup d’autres choses.
 Faire un bilan du jubilé extraordinaire de la miséricorde à la lumière de l’Esprit : quels fruits en avons-nous perçus, chacun, personnellement, pour nos communautés, pour l’Église, pour le monde ? Quels signes des temps, quels appels de l’Esprit-Saint avons-nous perçus ?
 Relire la mission Zachée : cette expérience a touché un grand nombre de personnes dans tout le diocèse et même bien au-delà. Elle a dépassé de loin ce que l’on pouvait attendre. Pour nous aider à cette relecture, une grille précise est diffusée. Nous serons spécialement attentifs à identifier les attentes spirituelles des personnes rencontrées. Il serait bon que le sanctuaire de Rocamadour, les paroisses, les groupes et les personnes qui y ont participé fassent remonter à l’évêché un petit compte-rendu de leur relecture.
 Se relayer dans l’adoration eucharistique : pour porter l’Évangile aussi loin que possible, sans dispersion ni égarement, il est nécessaire de s’enraciner profondément dans la Parole de Dieu, la vie sacramentelle et la prière, de fixer nos regards sur Jésus à chaque instant de notre vie. Pour cela je demande que tous les jours de la semaine, des pôles d’adoration eucharistique soient mis en place à la cathédrale de Cahors et dans différentes paroisses. Les prêtres devront réfléchir à ce qui est faisable dans chaque doyenné : au moins un relais d’adoration, même tournant d’une paroisse à l’autre, devra être assuré. La nuit est faite pour dormir, l’adoration nocturne n’a pas besoin d’être quotidienne. Mais une permanence chaque jour suppose déjà le relais de beaucoup de personnes et c’est donc un appel que je lance à tous, l’idéal est que chaque personne appelée à un service dans l’Église s’engage aussi à participer à un relais d’adoration. J’ai la conviction qu’un relais d’adoration pour la mission de l’Église dans notre Diocèse produira du fruit : pour l’engagement de tous les baptisés à servir ; pour les vocations de prêtres, diacres, religieux, religieuses ; pour l’unité et la fécondité des familles et pour la paix en France et dans le monde.

Témoigner de la mission du Christ-serviteur.

Le jubilé de la miséricorde se terminera le dimanche 20 novembre 2016, fête du Christ-Roi et je vous invite déjà pour une messe d’action de grâces à la Cathédrale à 16 heures où nous fêterons la diaconie de l’Église (service des frères les plus fragiles), nous rappelant que le saint patron de notre diocèse est un diacre : saint Etienne. Ce sera l’occasion de célébrer le 25° anniversaire de l’ordination du premier diacre permanent dans notre diocèse, Pierre Loudières (ordonné le 24 novembre 1991 par Mgr Maurice Gaidon). Les diacres pourront renouveler leur engagement. L’appel au diaconat permanent doit retentir dans notre Église car il est significatif de ce que tout baptisé a été choisi pour servir en présence du Seigneur.
L’année de la miséricorde doit se prolonger par l’approfondissement de la doctrine so-ciale de l’Église. La pensée sociale de l’Église est inspirée de l’Évangile et de sa longue expérience de toutes les questions sociales, la famille, l’économie, le travail, l’autorité et le gouvernement, l’écologie, le dialogue inter-religieux, etc. De tous temps, l’Église a réfléchi sur ces sujets et les plus grands théologiens comme saint Thomas d’Aquin restent des références fondamentales. Mais spécialement depuis le pape Léon XIII et son encyclique Rerum novarum (1891) sur la question sociale, le Magistère de l’Église a pris soin régulièrement de proposer une réflexion, au plus près des mutations sociales en cours mais à distance des problématiques partisanes, pour participer à la quête de paix et de justice des hommes de notre temps. Les grands principes tirés des Écritures et de la Tradition théologique aident à réfléchir et favorisent le dialogue entre les citoyens, acteurs de la vie sociale, et les pasteurs de l’Église, chargés de discerner notre fidélité à l’Évangile. Deux encycliques récentes ont apporté des pierres importantes à cet édifice, L’amour dans la vérité (2009) de Benoît XVI sur l’économie et Laudato ’si (2015) de François, sur le soin de la création, notre maison commune. Sans oublier le quatrième chapitre de La joie de l’Évangile (2013) intitulé "La dimension sociale de l’Évangélisation". Ce chapitre occupe, en volume, la moitié du texte total de cette belle exhortation apostolique.
La cohérence de nos vies avec l’Évangile passe concrètement par un effort de réflexion à la lumière de la pensée sociale de l’Église. Sans cela notre témoignage est abâtardi. "Tous les chrétiens, et aussi les pasteurs, sont appelés à se préoccuper de la construction d’un monde meilleur. Il s’agit de cela, parce que la pensée sociale de l’Église est en premier lieu positive et fait des propositions, oriente une action transformatrice, et en ce sens, ne cesse d’être un signe d’espérance qui jaillit du coeur plein d’amour de Jésus Christ". (François, La joie de l’Évangile, n° 183) Les baptisés doivent se reconnaître dans le monde à leur implication bienfaisante dans l’amélioration du monde, témoins de la paix et de la justice comme Jésus qui "est passé en faisant le bien et en guérissant les possédés du diable" (Ac 10,38). Mais il faut reconnaître que nous n’avons pas encore réussi à apprivoiser la doctrine sociale de l’Église. Par exemple, l’accueil des étrangers, le partage des richesses, la morale familiale ou même l’écologie, sont des sujets qui risquent de nous diviser très vite si nous imaginons obtenir des réponses immédiates aux vastes problèmes qu’ils soulèvent. Il est impossible de prononcer des paroles universelles et définitives en face de situations tellement variées. La doctrine sociale de l’Église est surtout un aiguillon pour notre réflexion. Ce n’est pas une pensée close qui prétend répondre à tout ni valider l’un ou l’autre programme politique. Elle n’a pas non plus pour but de nous culpabiliser. Elle nous invite pourtant à suivre courageusement des chemins de conversion, à remettre en cause certaines de nos pratiques de la vie quotidienne en déplaçant nos regards. Elle nous incite à chercher avec d’autres des itinéraires de progression. Prenons donc cette année des moyens pour annoncer de façon cohérente et humble la joie de l’Évangile dans sa dimension sociale :
 Une nouvelle émission sur Radio-Présence-Lot va nous aider à nous familiariser avec la pensée sociale de l’Église.
 J’invite les fidèles à constituer des groupes de réflexion sur la doctrine sociale. Différents outils existent que la commission diocésaine pour la formation permanente des laïcs pourra indiquer. Il faut citer le Compendium de la doctrine sociale de l’Église édité en 2005 et les deux documents très pédagogiques (petits livres avec DVD inclus) édités par la Conférence des évêques de France sous le titre "Notre Bien Commun" (Tome 1, 2014 et Tome 2, 2016).
 La pensée sociale de l’Église comporte d’importants développements sur la famille. Avec un comité de réflexion sur la préparation au mariage qui travaille depuis le début de l’année et s’inspire désormais de l’exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia du pape François (2016), nous proposerons de nouvelles expériences pour accompagner les fiancés et mettre en place dans les paroisses des petites fraternités de couples se nourrissant de convivialité, de réflexion et de prière et ainsi capables de favoriser une expérience spirituelle aux couples éloignés de nos communautés mais ayant décidé de se marier à l’Église.
 Il est également urgent de réfléchir à l’éducation affective, relationnelle et sexuelle des adolescents pour proposer des formations et des accompagnements aussi bien aux jeunes de l’enseignement catholique que plus largement à tous. La priorité est que des adultes se forment pour être capables d’éduquer des jeunes à l’amour comme don de soi réciproque.

Sortir pour servir : Le redéploiement des prêtres pour le dynamisme des paroisses.

Un autre volet de la dynamique missionnaire de l’Église a été le renouvellement de la répartition des prêtres que j’ai annoncé lors de la messe chrismale. Une quinzaine de prêtres changent de lieu. Ce redéploiement est né d’échanges approfondis avec beaucoup de prêtres. Cela doit conduire aussi les baptisés-laïcs à élargir leur point de vue : le ministère des prêtres est lié à la vie du diocèse tout entier. Aucune paroisse ne peut se situer comme un îlot protégé quand l’Église et le monde sont en mutation.
Le changement des prêtres implique des bouleversements dans les communautés. C’est une belle occasion pour tous de vivre une conversion en réfléchissant à nos priorités missionnaires. J’invite spécialement les conseils pastoraux à réfléchir profondément aux priorités de la paroisse (ou du groupement paroissial).
Nous devons rendre grâces à Dieu parce qu’il y a des prêtres jeunes dans le Lot et que, par la grâce de Dieu et avec l’aide maternelle de Notre-Dame de Rocamadour, nous avons six séminaristes. Priez pour leur persévérance ! Nous bénéficions également du soutien de cinq prêtres venant d’Afrique, mis à la disposition de notre diocèse pour quelques années. Ils nous rappellent l’universalité de l’Église et leur présence participe grandement à nous aider à ouvrir nos perspectives. Mais, par ailleurs, six prêtres sont décédés depuis ma nomination à Cahors. Nous ne devons pas les oublier dans nos prières et ils pourront prier pour nous. Ce fait douloureux doit aussi stimuler votre réalisme dans votre relation au ministère du prêtre. On ne peut pas attendre d’un prêtre qu’il assume trop de sépultures, car aussi important que soit ce service, si le prêtre y consacrait toutes ses énergies, cela finirait par nuire à sa disponibilité auprès des communautés chrétiennes et à la mission de porter aussi loin que possible l’Évangile du Christ, Bonne Nouvelle pour toute l’humanité.
Il y a un investissement affectif fort dans la relation des chrétiens à "leur" prêtre. Mais s’il n’y a pas une juste distance et un détachement, la trop grande idéalisation du prêtre rend plus difficile d’accepter que le prêtre manifeste aussi des limites, des fragilités humaines et cela provoque en lui une pression excessive. Le prêtre doit témoigner de la vérité de l’Évangile et, sans une juste distance, sa liberté de parole est affaiblie, au détriment du progrès spirituel du peuple qui lui est confié. Pour comprendre le prêtre, il faut toujours se souvenir des aspects surnaturels de sa vocation propre : il n’est pas là parce qu’il est un héros ni même un super-manager mais parce que Dieu l’a appelé. Sa mission tient par sa vie de prière, sa relation personnelle avec le Christ. La première chose qu’il faut attendre de lui, c’est qu’il mette la communauté en relation avec le Seigneur et qu’il accompagne les chrétiens dans tous les services pour lesquels le Maître les a choisis. A l’intérieur de ce cadre spirituel, se situe de manière juste le lien du prêtre avec la communauté ou les personnes à qui il est envoyé.
Un changement de prêtre offre à la communauté l’occasion de se rappeler qu’elle n’a pas choisi son prêtre mais qu’il lui est donné de la part de Dieu, avec toutes les surprises que ce don peut faire découvrir et tout le dynamisme missionnaire nouveau que cela pourra susciter. Le progrès spirituel d’une paroisse dépend surtout de sa capacité à accueillir le don de Dieu davantage et à en témoigner auprès de ceux qui ne viennent pas (ou rarement) à l’Église.
 Des EAP (Équipes d’Animation Pastorales) existent dans certaines paroisses et permettent une heureuse fraternité missionnaire de prêtres et de fidèles-laïcs. Les structures de nos paroisses doivent favoriser surtout l’esprit d’évangélisation et non pas la préservation frileuse de nos habitudes pour "faire exister" quelques personnes accaparant les tâches ecclésiales. Le renouvellement des équipes est donc un critère de vérification de notre attitude missionnaire. Les prêtres du diocèse ont pris le temps de partager leurs expériences dans ce domaine et je commence à percevoir qu’il existe dans les paroisses du Lot au moins trois modèles différents de collaboration entre prêtres et laïcs. Nous allons poursuivre cette réflexion cette année pour préciser notre modèle-cible sans négliger les différences d’échelle entre paroisses et sachant qu’on touche rarement du premier coup le centre de la cible.  Après avoir parcouru le diocèse pour rencontrer les prêtres, pour bénir des églises restaurées, pour des pèlerinages, des confirmations ou la visite de quelques réalités missionnaires, je compte, dans les mois qui viennent, rencontrer les conseils paroissiaux et/ou les EAP et susciter une assemblée paroissiale par groupement, pour mieux faire connaissance, échanger des questions et préciser notre vision pastorale.
 Le travail en doyenné est à développer dans l’avenir. Il y a quatre doyennés dans notre diocèse (Grand Cahors, Figeac, Cère-Dordogne, Causse Central). La nouvelle charte graphique du diocèse se décline avec une couleur par doyenné. Ceci nous aidera à nous sentir plus unis dans le même service du Christ.
Le saint Patron de notre diocèse, saint Etienne, a gardé les yeux fixés sur Jésus jusqu’à l’instant de son martyre. Il nous appelle à ouvrir notre coeur et nos oreilles à l’Alliance de Dieu et à ne pas résister à l’Esprit (cf. Ac 7,51). Faisons nôtres les ultimes prières de saint Etienne : "voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. (...) Seigneur Jésus, reçois mon esprit. (...) Seigneur, ne compte pas ce péché" à mes assassins (cf. Ac 7,56.59.60).
Nous te rendons grâces, Seigneur, car Tu nous a choisis pour servir en Ta présence, en communion avec le diacre (serviteur) saint Etienne et avec la bienheureuse Vierge Marie, "servante du Seigneur" (cf. Lc 1,38). Béni sois-tu pour l’engagement de tous les baptisés à servir ; pour les vocations de prêtres, diacres, religieux, religieuses ; pour l’unité et la fécondité de nombreuses familles et pour les efforts de paix en France et dans le monde. Nous te supplions pour tous ceux qui peinent sur les chemins de cette vie, pour ceux qui sont blessés, révoltés ou découragés. Ne nous compte pas nos péchés, nos manques de foi, d’espérance et le charité. Donne-nous ton Esprit pour "avancer en eaux profondes afin de porter aussi loin que possible l’Évangile du Christ, Bonne Nouvelle pour toute l’humanité".

Mgr Laurent CAMIADE
Evêque de Cahors

Répondre à cet article