Quelques pistes sur l’Evangile du Dimanche 27 avril 2014

Jeudi 24 avril 2014, par SC dans rubrique Enseignements

Deux fois : « le premier jour de la semaine » : ce n’est pas une précision chronologique. Quand Jean écrit son Evangile, il y a près de 50 ans que les faits se sont produits. 50 ans que les chrétiens se réunissent chaque dimanche pour fêter la Résurrection de Jésus. Comme un clin d’œil qui dirait : « vous voyez pourquoi on se rassemble le dimanche » !
Spontanément, quand on lit cet Evangile, on va de suite à Thomas, c’est-à-dire la seconde apparition, car nous nous identifions souvent à lui. Et faut dire qu’il est sympathique : c’est bien pratique d’avoir sous la main quelqu’un qui doute, quelqu’un qui a du mal à croire. Il est un de nous ! Trouvant peut-être en lui une sorte de justification de nos propres manques de foi. Mais il ne faut pas sauter trop vite le texte dans son entier : le Christ se manifeste le dimanche et ce n’est pas un hasard.
  Pour les juifs : le dimanche est le premier jour de la semaine, un jour de travail comme les autres. Comme un lundi pour notre civilisation. Car le jour de repos est le Sabbat, le samedi. Et c’est le lendemain du Sabbat que Jésus est ressuscité.
  Jésus se montre vivant plusieurs fois de suite : après sa Résurrection, et c’est à chaque fois le dimanche ! Ca veut dire quelque chose ! Et ça a fait que pour les chrétiens, ce jour a pris un sens particulier.
  Pour les 1ers chrétiens : ils ne se réunissaient pas tous les jours. Ila avaient, eux aussi, leur vie quotidienne. Et ils étaient dans un monde juif, donc le dimanche n’était pas chômé. Ce qui était une difficulté pour se réunir le dimanche. Déjà commence la difficulté d’aller à la messe !
  La résurrection : n’est pas une manifestation personnelle, une révélation qui ne concerne que mon âme. Nous constatons que la présence de Jésus ressuscité est surtout ressentie et expérimentée dans le cadre d’une rencontre communautaire. Jésus se manifeste quand ils sont ensemble, quand ils font Eglise. Dès le départ, il faut la communauté pour célébrer la messe !
  Donc pour nous : ce 1er jour de la semaine apparaît comme le premier jour des temps nouveaux : comme la semaine de 7 jours des juifs rappellent les 7 jours de la Création, cette nouvelle semaine inaugurée par la Résurrection et par le Christ Ressuscité signifie pour les chrétiens le début d’une nouvelle Création. « Dans ces temps qui sont les derniers », nous dit St Paul et la Liturgie. Nous ne sommes plus dans le régime de l’Ancien Testament, mais dans celui de la Nouvelle Création où le Christ, en se retirant infiniment (car il est Dieu) a rendu toute chose nouvelle possible.
Les disciples avaient verrouillé les portes et ils avaient peur : au moment où St Jean écrit cela, c’est toujours un temps de peur et de persécution. Les disciples de Jésus ont l’habitude de se réunir tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Ils s’accueillent, ils se comptent : il y a des défections, des gens qui abandonnent la foi. Ils ont peur aussi. Chaque dimanche, se renouvelle le « signe du Cénacle », la visite de Jésus Ressuscité, ce 1er dimanche ! Oui, chaque dimanche, c’est Pâques.
Les Apôtres, aussi, sont enfermés et ils ont peur, ce qui se comprend humainement. Si on a tué leur Maître, on va chercher à les éliminer aussi. Cela souligne encore plus la liberté du Christ : tout est verrouillé, mais ce n’est pas un problème pour lui. Il n’y a pas de verrou qu’il ne peut franchir. Et il ne connaît pas la peur.
Et justement, sa 1ère parole est « la paix soit avec vous » : ceci était le salut juif habituel, mais dans ce contexte, c’est une drôle de salutation après tout ce qu’on vient de vivre. La crainte, l’angoisse des derniers mois avant l’arrestation de Jésus, l’horreur de la Passion et de sa mort, la nuit du Jeudi, la journée du Vendredi, le silence du Samedi une fois Jésus au tombeau… Est-ce qu’on peut être dans la paix comme si rien ne s’était passé ?
Pour nous aujourd’hui, nous aussi avons beaucoup d’enfermements, nous sommes tentés de verrouiller peureusement nos portes. De quelle situation sans issue, de quelle situation de peur, de quelle situation verrouillée ou mortelle, avons-nous besoin que le Christ visite et nous libère ? Tel péché, telle difficulté familiale ou professionnelle, telle épreuve de santé, telle contrainte douloureuse ou désespérante…
Et en même temps, c’est fou : mais c’est bien réel. Jésus est bel et bien vivant. Et pour le prouver, il montre ses plaies qui sont les marques de la crucifixion. Au passage, on constate que les marques sont bien dans ses mains, ses pieds, son côté : la Résurrection ne gomme pas la mort. Et Jésus devient comme solidaire de tous les handicapés, puisqu’il gardera pour toujours ces cicatrices.
Même si ça peut nous paraître fou : Jean nous dit « les disciples furent remplis de joie » car c’est incroyable ce qui leur arrive. Et Jean enchaîne de suite « Jésus leur dit à nouveau la paix soit avec vous ». Alors, avec ce don de la joie, ils peuvent vraiment être en paix. Non pas comme si rien n’était arrivé, mais malgré ce qui est arrivé. La joie malgré tout, disait l’abbé Pierre.
Car la joie pascale n’est pas une joie facile, une joie spontanée. Celle qui nous soulève quand tout va bien, quand la santé est bonne. La joie de la Résurrection est celle qui vient « après »… après la peur. C’est la joie et la paix… cette joie qui remontent d’une situation si radicalement désespérée (la mort d’un crucifié !) que rien désormais ne pourra leur ravir (Jean l’avait annoncé dans la prière de Jésus). C’est la joie et la pais qui viennent de la « foi » en Jésus. Et les fruits de l’Esprit Saint sont amour, joie et paix : c’est pour cela que Jean enchaîne sur le don de l’Esprit Saint.
Ayant ainsi parlé, Jésus répandit son souffle et il leur dit « recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettez les péchés, ils lui seront remis » : on est frappé du lien entre le don de l’Esprit Saint et la mission de réconciliation. Comme s’il n’y avait pas d’autre mission que de réconcilier les hommes avec Dieu, avec soi-même et avec les autres… Retrouver la triple harmonie originelle. Tout le reste en découle.
« Lier/délier », « remettre/maintenir » : ce langage est une formule de grammaire typiquement araméenne. On emploie deux mots contraires pour affirmer plus fortement une réalité, et mettre l’accent sur le mot « positif ». Ainsi, en leur donnant son Esprit, Jésus donne aussi à ses disciples, le pouvoir de délier l’homme de son mal. Ils sont désormais, ici-bas, porteur de la miséricorde divine : c’est le dimanche de la Miséricorde, donné par Jean-Paul II (et c’est normal qu’il soit canonisé le jour de la Divine Miséricorde, qu’il avait instauré). Désormais, une grande question se pose pour tout chrétien : sommes-nous dans le jugement, à enfermer les autres… Ou faisons-nous miséricorde ? Tout ce qui se vit en Eglise doit désormais être sous le signe de la miséricorde (cf. ma manière de vivre les enterrements : peu importe si le défunt était une crapule… C’est le moment par excellence de la miséricorde).
« De même que le Père m’a envoyé, vous aussi je vous envoie » : oui, car si le Christ veut continuer de s’incarner, il a voulu passer par des hommes concrets que nous sommes. Ce n’est pas une option : c’est un commandement, un ordre de Jésus : allez annoncer que les péchés sont remis, c’est-à-dire que nous sommes des pécheurs pardonnés depuis que la Croix a fait son œuvre. C’est pour cela qu’il est mort : prendre sur lui nos péchés, c’est-à-dire nos éloignements d’amour, toujours limité face à l’éloignement divin du Fils et du Père sur la croix (« mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné » : n’est pas qu’un psaume, ce fut un éloignement divin… donc une nouvelle Création).
Nous sommes appelés à être les ambassadeurs du Christ, nous dit St Paul : c’est-à-dire ambassadeurs de la Réconciliation universelle. Nous savons que Dieu ne fait pas le compte de nos péchés, mais il ne veut que nous aimer et nous pardonner… Il dépend de nous, dit Jésus, que nos frères connaissent l’amour de Dieu et en vivent. Le projet de Dieu ne sera définitivement accompli que lorsque nous aurons à notre tour accompli cette mission : « moi aussi je vous envoie ». Oui, je suis envoyé personnellement et communautairement en mission de la Miséricorde.
Et c’est seulement maintenant que nous pouvons parler de Thomas : vous voyez qu’il y avait bien d’autres choses à creuser avant d’aller de suite sur ce personnage sympathique. Il est le « retardataire », qui arrive après la fête de la Rencontre. Thomas est toujours, dans l’Evangile, celui qui ne se fie qu’à son bon sens, un homme positif qui veut être sûr de son coup :
  Jn 14 : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas »,
  Jn 11 : quand Jésus parle de la Résurrection de Lazare, Thomas ne voyait, lui, que la mort…
Alors, 8 jours plus tard : encore un dimanche ! Jésus même ressuscité, respecte la personnalité de chacun et garde son humour. Il a laissé Thomas avoir apparemment raison pendant une semaine. On touche aussi ici la notion de la patience de Dieu… Un jour est comme 1.000 ans.
« Mon Seigneur et mon Dieu » : il n’est pas dit que Thomas touche les plaies. Par contre, il a ce cri sincère du cœur, un des plus beaux de la Bible. Ce touché est devenu inutile : son bon sens lui fait dire que c’est bien Jésus et son cœur sincère vibre !
Beau… c’est pour cela que Jésus donne la dernière Béatitude : celle qui nous concerne tous car nous n’étions pas présent du temps de Jésus : « heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Les réalités les plus sublimes de Dieu ne peuvent pas se « voir »… elles se vivent et la foi nous y introduit simplement. C’est là le vrai bonheur : pas connaître intellectuellement, mais vivre existentiellement… Il est le Vivant !

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