Se confesser : la joie du Père !

Vendredi 28 mars 2014, par SC dans rubrique Enseignements

J’aimerai commencer par ce qui me semble l’essentiel : le sacrement de réconciliation est le sacrement de la joie ! Oui, j’ose l’affirmer : le pardon des péchés est un véritable chemin de joie… à condition de comprendre en profondeur ce qu’est réellement ce sacrement. Ce sera tout le thème de la soirée : entrer dans le mystère de ce sacrement, afin de voir que c’est la joie et la vie qui doit être mise au centre !
Si nous sortons de cette soirée en nous disant que « la plus grande joie du monde est celle du pardon », nous aurons tout compris ! Mais attention, je précise de suite : ce n’est pas la plus grande joie sur terre, mais c’est la plus grande joie du ciel : « il y a plus de joie parmi les anges pour un pécheur qui se converti (qui entre dans un confessionnal) que pour quatre-vingt-dix-neuf justes » qui jugent que ce n’est pas encore le moment, que rien ne presse et qu’ils peuvent encore attendre.
Mais il faut le reconnaître : le sacrement de Réconciliation est un sacrement en crise. Cela devient une démarche anxieuse et furtive, et non une rencontre avec le Christ. Comme une quittance obtenue à la sauvette. Et cependant, la Bonne Nouvelle de l’Evangile, le joyeux message que nous sommes chargés d’annoncer au monde, est qu’il existe une rémission des péchés. Le souci, c’est que, dès qu’on évoque le mot même de « péché », l’Evangile semble devenir une « mauvaise nouvelle ». En effet, si on annonce un horaire de confessions, on est sûr qu’aucun sourire n’illuminera les visages et qu’aucun soulèvement de joie ne sortira de l’assemblée. Nous sommes pécheurs ? Mauvaise nouvelle. Il faut se confesser ? Mauvaise nouvelle.
La racine la plus profonde du désespoir du monde moderne, c’est peut-être l’ignorance, le refus de croire à la rémission des péchés. D’ailleurs, avant de parler de rémission, nous voyons bien que nous ne parlons même plus de péché. Regardons simplement les chrétiens se confesser et affirmer par là leur foi en la rémission des péchés : ils ne connaissent plus la joie du Pardon. Ils ne célèbrent plus la Pénitence, ils ne savent pas que l’Eucharistie est le festin des pécheurs pardonnés.
Pourtant dans les Evangiles, les confessions se terminent toutes par des banquets :
  Zachée (Jésus s’invite chez lui à manger),
  Matthieu (qui invite tous ses collègues, tous les pécheurs du coin),
  Le fils prodigue (et le veau gras),
  Marie-Madeleine (au cours d’un repas et ensuite, elle recevra le Seigneur à sa table).
Mais ces mœurs ne semblent plus être les nôtres. On a peu de chance de revenir d’une confession en disant « je suis heureux ! ». Ce serait le signe qu’ils seraient entrés dans la joie de la Pénitence.
Et pourtant, il y a urgence de proclamer au monde comme aux chrétiens qu’il existe une rémission des péchés : cela veut dire qu’il n’y a pas d’échec définitif, de vie ratée, de maux sans remèdes. A partir de chaque faute, de chaque échec, Dieu nous propose un plan de rédemption meilleur que si nous n’avions pas péché. Là où le péché abonde, la grâce surabonde, dit St Paul. Quand Dieu recrée, il y a toujours un saut qualitatif en chaque cœur réconcilié.
En confessant ses fautes, en se reconnaissant pécheur, nous mettons en premier la miséricorde de Dieu, nous le laissons agir et nous passons de la Justice à la Miséricorde. Dieu ne se décourage jamais, il vient nous sortir de toutes nos impasses, de nos refuges où nous nous sommes enfermés.
Nous entrerons au ciel comme des pauvres, non parce que nous serons fiers de nous, mais parce que nous serons émerveillés de Lui. Il y a une Béatitude des pécheurs dans l’Evangile, des pécheurs pardonnés bien sûr, mais des pécheurs quand même. C’est pour cela qu’il faut vivre régulièrement le sacrement de confession, non par obligation morale mais parce que c’est un chemin direct vers l’Amour.
Toutefois, au-delà de ces réalités spirituelles, on peut se poser la question concrète de son évolution future. Ce sacrement ne va-t-il pas suivre la même situation que l’eucharistie au Moyen Âge (une disparition quasi totale pour les fidèles) ?
Le cardinal Lustiger relevait que la pratique de la communion avait disparu pendant des siècles et cela pourrait arriver de nouveau mais dans le cadre du sacrement de la réconciliation. Car ça serait dommage de se priver de la grâce de ce sacrement, comme on a privé pendant des siècles les fidèles de l’eucharistie.
Les statistiques sont assez rares pour mesurer la pratique de la confession. On a eu une étude en 1986 dans la Maison Dieu qui donnait un tableau.

Fréquence 1952 1974 1983
Au moins 1 fois/mois 15% 1% 1%
Quelques fois/an 18% 16% 8%
1 fois/an 18% 17% 5%
Au moins 1x/an 51% 29% 14%
Moins d’1x/an 9% 13% 13%
Jamais 37% 54% 69%
Non déterminé 3% 4% 4%

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. On a accusé le concile Vatican II d’être la cause de ce déclin, mais la crise existait bien avant lui et la baisse avait commencé avant la 2ème guerre mondiale.
Elle est liée aussi à la crise de la conscience d’appartenance à l’Eglise. Mon péché blesse l’Eglise et je dois me réconcilier avec elle. Mais si je ne suis qu’un consommateur, je ne percevrai pas trop ce mal que je lui fais. Or, l’Eglise, c’est l’Epouse même du Christ… Il y aurait beaucoup à dire, surtout suite aux deux rencontres sur l’Eglise universelle et l’Eglise de Cahors. Mais je dois laisser de côté cet aspect, car on ne peut pas tout traiter.
Un malaise chez certains prêtres et fidèles dès avant le concile. La démarche est vue comme routinière avec une vision pessimiste, et beaucoup de critiques :
  Une confession blanche c’est-à-dire sans matière,
  Une confession répétée,
  Des dérisions dans les accusations apprises depuis l’enfance,
  Les files au confessionnal la veille des fêtes.
  Des confessions qui auraient mérité le dialogue…
  Il ne faut pas oublier non plus l’aspect angoissant de l’aveu. En bref les confessions étaient vues comme des obligations formelles marquées par la routine.
Il y a un flou dans la demande et les motivations :
• Il y a les confessions de dévotion. Bien que rares maintenant, elles existent toujours (certains se confessent tous les jours).
• La confession de relèvement. Cela concerne les péchés graves. On en trouve dans des lieux particuliers, des circonstances particulières (comme dans un sanctuaire ou un pèlerinage), dans un temps spécial (comme avant Pâque).
• La confession de circonstances : il s’agit de se confesser avant de prendre une décision importante comme le mariage.
• La confession d’obligation : elle se fait avant les grandes fêtes mêmes si le code de droit canonique ne prévoit qu’une confession par an pour les péchés graves.
• La confession de conversion vient après une coupure avec Dieu depuis des années.

Face à cette crise, l’Eglise a essayé de réagir : avec la forme habituelle (la confession individuelle), on a développé la forme communautaire avec absolution individuelle. Dans notre paroisse, nous vivrons ces deux formes, juste avant Pâques :
  La célébration communautaire avec absolution individuelle : le mardi saint, le 15 avril, à 20h30,
  La confession individuelle :
i. Le samedi 12 avril à St Pierre : de 10h à 12h, puis de 15h à 16h30
ii. Pour les enfants : le mercredi 16 avril, de 10h à 12h,
iii. A St Germain : les samedis 12 et 19 avril, de 10h à 12h

Il n’y aura pas d’absolution collective : nous reviendrons tout à l’heure brièvement sur ce sujet.

Aujourd’hui, il y a un certain renouveau de la confession, notamment dans les villes : avec beaucoup d’initiatives comme des journées du pardon. Il faut bien comprendre que ce renouveau vient surtout d’une meilleure compréhension de ce sacrement :
  On a longtemps insisté uniquement sur l’aveu. Sans nier l’aveu, Vatican II a retrouvé aussi le sens de la réconciliation avec Dieu et avec l’Eglise.
  La nouvelle génération n’a pas les préjugés de la génération précédente. Aujourd’hui, on étale sa vie privée en public, sur les réseaux sociaux comme Facebook, ou on va voir facilement un psy. Il y a beaucoup plus de facilité de parler de sa vie privée à un inconnu.
  Mais cela ne veut pas dire que parler du péché est plus facile aujourd’hui qu’avant : cela suppose une contrition et un repentir. Or beaucoup de nos contemporains ne sont pas conscients d’être pécheurs ou ne veulent pas se reconnaître pécheurs. En 1946 déjà, le pape, Pie XII disait : « le péché de ce siècle est la perte du sens du péché ». Que le monde a perdu le sens du péché. Que devrait-on dire aujourd’hui ?
Il faut éviter deux écueils : la culpabilité d’un côté, et nier que le péché existe de l’autre. Un difficile équilibre à tenir, mais les progrès des sciences humaines nous ont aidé à avancer sur ce point :
  La psychologie nous montre que la confession n’est pas de l’ordre du psychisme. Si bien que confesseur et psychologue doivent travailler de concert, l’un éclairant l’autre.
  La sociologie nous a appris : A l’échelle planétaire, on voit que la responsabilité échappe pour partie aux individus, qu’il y a une structure collective de péchés. Mais on ne peut s’abriter derrière la collectivité. Or le péché est toujours d’ordre personnel. Il faut pouvoir nommer son propre péché. Il y a bien des péchés sociaux, mais il est toujours en lien avec le péché personnel.
C’est pour cela qu’il ne peut pas y avoir d’absolution collective qui marche ! Oui, il y a beaucoup de situations communes, collectives qui nous dépassent (qu’on appelle « structure de péchés »), comme la crise économique qui détruit tant d’être humains, mais une structure de péchés est composée de la somme de péchés individuels… dont j’apporte ma pierre à l’édifice par tant de compromissions. Quand je pose un acte ou une décision libre, je suis personnellement responsable. D’où le fait qu’il faut se confesser personnellement et recevoir le pardon personnellement.
La théologie aussi a bien évolué : pendant longtemps, on a insisté sur les fins dernières de l’homme quitte à utiliser le registre de la peur. On insista beaucoup sur le purgatoire et l’enfer. Désormais, on met l’accent sur l’amour et la miséricorde. Avec le risque de relativiser le discours sur l’Enfer et le Purgatoire.
Bien souvent on croit que se confesser c’est faire uniquement un examen de conscience : rentrer en soi-même, inventorier ses péchés, et cela n’a rien de réjouissant. On dit à quelqu’un qu’on ne connaît pas –ou qui nous connaît trop bien !- des choses qu’on préfèrerait ne pas dire. Puis, on fait sa pénitence. Ca marche, mais ce n’est pas très joyeux.
On oublie, dans ce cas, l’essentiel : c’est finalement se confesser à la manière de Judas qui est entré en lui-même et il n’en est jamais sorti. Oui, je sais, je suis un peu polémique, mais regardez, ce n’est pas si faux que cela :
  Il a été dévoré de remords, il a préparé son aveu et est entré dans le confessionnal : il est allé au Temple trouver les prêtres (mais le malheureux est tombé sur des Pharisiens sans miséricorde) et leur a fait sa confession : « j’ai péché, j’ai livré le sang innocent » et a accompli sa pénitence.
  Il a remis les trente deniers (peu de chrétiens vont jusque-là). Et tout cela était si triste –et la communauté l’a rejeté- qu’il est parti se pendre ; il n’a rencontré personne et n’a pas eu la chance de croiser le regard de Jésus.
  Judas s’est pendu parce qu’il n’avait pas rencontré de regard de miséricorde à la mesure de son péché.
Mais la confession de Pierre est autant instructive :
  Il n’a pas fait d’examen de conscience, ni d’aveux. Il était en plein dans son reniement, asservi à des servantes (et plutôt, à sa peur), égaré par sa peur.
  Mais il a rencontré le Christ. Le regard de Jésus a appelé le sien, et c’était un regard d’amour, d’appel à la conversion, un regard qui pouvait lui dire des choses comme : « mon pauvre Pierre, dans quel guêpier es-tu encore allé te jeter ? Ne reste pas là, reviens ! C’est trop triste. Tu seras malheureux. Reviens, je t’aime et je te pardonne ».
  Et Pierre a été éjecté hors de son péché, il n’a plus continué. Il s’est demandé comment il avait pu renier le Christ. Il a versé toutes les larmes du repentir et surtout les larmes d’émerveillement d’avoir et de se savoir autant aimé.
Force est de constater que nous nous confessons souvent comme Judas : nous ne rencontrons personne qui nous libère et nous soulage de nous. Aussi, la plupart des chrétiens qui se confessent le font pour être « quitte ». La confession est perçue comme un « lavage », une aspirine spirituelle pour les maux de conscience, un moyen d’être en règle. Nous sommes tellement centrés sur ce que nous faisons (ou pas !) pour Dieu –et l’aveu nous est si pénible- que nous pensons payer notre absolution par cet aveu. On peut le voir avec le glissement du nom du sacrement : nous disons « confession » alors que le vrai nom est « sacrement de pénitence ». Mais notre confession est passée au premier plan.
C’est pour cela, afin d’éviter tous ces écueils, constatons que l’Eglise a multiplié les manières de nommer ce sacrement. En choisir une, c’est mettre en avant une des réalités, mais faisons un petit tour des noms, afin de saisir toute sa richesse, et voir sur quelles réalités nous insistons. Si Vatican II l’appelle « pénitence », il y a d’autres noms : réconciliation, confession, sacrement du pardon, de la miséricorde…
• Le mot « pénitence » :
Le terme pénitence signifie une punition en français courant : c’est un contresens total avec la signification du sacrement. Le sacrement de la Miséricorde devient le sacrement de la pénitence ! La pénitence est aussi assimilée par ce que donne le prêtre à la fin du sacrement. Mais ce n’est qu’un aspect du sacrement. Le sens est bien plus profond : le mot « pénitence » se trouve dans l’Evangile de Marc et de Luc, dans la bouche même de Jésus : « convertissez-vous et faites pénitence ».
Le mot grec de l’Evangile signifie plutôt un repentir, une conversion, un changement de sentiment : c’est un regret qui regarde vers le passé et s’accompagne d’une conversion pour l’avenir. En latin, les chrétiens vont prendre le mot « pénitentiae », qui signifie « regret de quelque chose qui a eu lieu ». Sans connotation morale, au début.
Un verbe est ensuite ajouté : « faire pénitence » avec le risque de se limiter à la pratique extérieure, et d’oublier la conversion du cœur, Cad l’origine : le but du sacrement. La pénitence est donc une vertu qui renvoie à la conversion. Le sens profond de la pénitence, c’est la conversion.
• Le mot « réconciliation » :
La réconciliation : c’est le terme le plus positif. Le premier sens est celui de l’échange et évoque l’alliance entre Dieu et les hommes. Dans le sacrement, la réconciliation désigne particulièrement l’absolution avec une double dimension absolument indissociable : rentrer en grâce avec Dieu et retrouver la paix avec l’Eglise.
• Le mot « confession » :
La confession : c’est le terme le plus utilisé dans le langage courant. Dans le texte hébreu et il désigne autant la louange que la foi et l’aveu. Les trois démarches de foi, louange et aveu sont très liées, on le voit dans les psaumes. C’est pour cela que la confession ne peut pas et ne doit pas être un simple aveu de nos fautes. C’est important de le noter pour vivre une confession la plus dynamique possible. Commençons par :
  Reconnaître que Dieu a la main dans ma vie : qu’il veut mon bonheur et fait tout pour y arriver (foi en Dieu),
  Reconnaître l’œuvre merveilleuse de la créature que je suis, les merveilles de Dieu dans ma vie, malgré mes épreuves. Dans l’espérance, confesser que, même si on ne sait pas comment, Dieu aura le dernier mot dans ma vie pour mon bonheur (louange et action de grâce),
  Reconnaître que seule ma liberté mal utilisée peut faire échec au projet de bonheur de Dieu dans ma vie, dans celle de l’Eglise, dans celle du monde, de toute l’humanité, de toute la Création. C’est moi, personnellement, qui freine l’œuvre de salut de Dieu : et donc, confesser que mes erreurs freinent mon propre bonheur et celui des autres (confession).
On remet au centre l’essentiel : le simple aveu, sans la louange et la foi, est un nouveau péché d’orgueil : je confesse uniquement mes péchés, et je me mets encore au centre… alors que si je commence par dire ce qui va bien dans ma vie, si je commence à reconnaître l’œuvre de Dieu en moi, je me décentre : « ce n’est plus moi qui vit, mais le Christ en moi ». Je mets Dieu au centre, et ensuite je dis où je l’empêche d’être totalement au centre. On est bien loin de la liste de péchés ou de la culpabilité !
En conclusion, ces différents termes expriment la complexité du sacrement : n’en utiliser qu’un seul, c’est mettre l’accent sur tel ou tel élément. L’ordre de ces éléments a varié dans l’histoire mais il y a toujours 4 éléments que je vous ai mis sur la feuille, où on retrouve les différents noms :
Il y a quatre composantes essentielles (c’est-à-dire, s’il en manque un, il n’y a pas le sacrement) : la contrition et le pardon, l’aveu et la confession, l’absolution et la réconciliation, la satisfaction et la pénitence.

Tout ceci explique la question classique « pourquoi se confesser ? ». Ne suffit-il pas de s’adresser à Dieu ? Peut-on être pardonné sans ce sacrement ? Ne suffit-il pas de s’adresser à Dieu ? N’est-ce pas une création de l’Eglise ? Pourquoi à un prêtre et non à un baptisé ?
Je vous laisse ces questions à votre méditation, tout en précisant une chose. Est-ce qu’on peut mettre sur le même plan d’égalité un sacrement (Cad Dieu qui agit directement) et un pardon demandé dans le secret de sa chambre ?
  Je m’arrange avec Dieu ? Oui, mais comment est-on sûr d’entendre sa réponse ? De lui laisser aussi la liberté de me répondre, quitte à me bousculer, à me dire qu’avant le pardon, il faut bien tout faire pour ne pas recommencer. Cela demande souvent un partage. Et Dieu s’incarne à travers une personne concrète, qui lui prête son cœur et son corps.
  Cette personne ne peut-elle pas être un baptisé ? Le souci est que Dieu s’incarne en ligne directe qu’en Eglise. Et qu’en Eglise, seuls les prêtres ont reçu cette force de l’ES pour donner un sacrement, Cad la force de l’ES pour permettre à Dieu de s’incarner dans l’aujourd’hui de nos vies, et d’agir aussi efficacement que quand le Christ disait : « pour que vous croyez que le Fils de l’Homme a le pouvoir de pardonner les péchés, je te l’ordonne : lève-toi et marche ».
  Ce n’est donc pas une création de l’Eglise : mais une réponse de l’Eglise à la demande forte du Christ : « tout ce que tu auras délié sur la terre, sera délié dans les cieux ». Et comme le Christ l’a uniquement dit à St Pierre, cela ne marche qu’avec la transmission directe de ce pouvoir, de St Pierre à ses successeurs que sont les évêques.
  Et comme les évêques ne peuvent pas tout faire : ils ont transmis, comme une délégation directement lié à eux, ce pouvoir aux prêtres. C’est tellement vrai que le jour de mon ordination, le Chancelier du diocèse, Michel Cambon, a bloqué Mgr Turini dans la sacristie avec moi et lui a dit : « Monseigneur, il faut que vous donniez votre pouvoir de confesser à Franz, devant le témoin officiel que je suis, sinon, il ne peut pas confesser. Ca ne marchera pas ». L’évêque qui lui disait « plus tard car là, on a autre chose à faire », a été obligé de me donner cette délégation officielle, car le père Cambon ne l’aurait pas lâcher sinon.
Il faut aussi répondre à cette fameuse question : Je fais toujours les mêmes péchés, alors pourquoi se confesser ? Je dirai… rendons grâce à Dieu qu’il ne s’en rajoute pas de nouveaux ! Que le Seigneur m’interpelle toujours à le remettre au centre en me faisant comprendre que je tombe toujours dans les mêmes travers, et que donc je ne me suffis pas à moi-même. Que j’ai besoin de le mettre au centre pour qu’il me fasse avancer. C’est une méthode de miséricorde d’interpellation : je tombe dans ce même travers que je connais donc, je peux sans cesse me laisser interpeller par quelque chose que je connais et qui devient chemin connu d’appel personnel de Dieu en moi.
Petite précision : je laisse de côté les différences entre les péchés : véniels, graves et mortels. Ainsi que le seul péché qui donne la mort : le péché contre l’Esprit, c’est-à-dire se couper volontairement et consciemment de l’amour de Dieu. Vous trouverez cela très facilement.

Je dirai simplement, que pour qu’il y ait péché grave à confesser, il faut 3 choses :
  Une matière grave,
  Etre commis en pleine conscience ou connaissance,
  Etre commis avec un consentement délibéré.
Situons donc mon péché personnel dans l’histoire même de l’humanité : pourquoi cela ? Car la confession, c’est se réconcilier à la fois avec soi-même, avec les autres, avec l’Eglise, avec Dieu. Non, on ne peut pas s’arranger avec le Bon Dieu, car il y a bien plus de protagonistes concernés par mon péché : toute l’humanité, carrément ! Il y a toujours la dimension personnelle (mon histoire) et communautaire (je fais partie de l’histoire collective des hommes et de l’Eglise puisque j’en fais partie. Tout est lié, mais cette prise de hauteur permettra de quitter définitivement les listes de péchés. Vous n’en aurez pas de ma part.
Il faut donc repartir de l’histoire du salut, voir ce qui est de l’ordre :
  De la tentation : que je n’ai pas à confesser, puisqu’elle vient du Tentateur. Lié au péché originel dont je garde des traces,
  De mon péché personnel : qui est, par contre, de ma responsabilité et que je dois assumer, puisque c’est une décision libre et personnelle qui m’a conduit à poser tel acte ou telle parole.
Pour bien comprendre, il faut remonter à Adam, avant qu’il ne mange le fruit : quel était sa situation ? Il était en communion directe avec Dieu : pas besoin de se prendre la tête à savoir ce que voulait Dieu !
Etat originel :
o Sainteté originelle : la participation à la vie divine
o Justice originelle : quadruple harmonie :
 Avec Dieu,
 Avec soi même : harmonie intérieure. Il n’y avait pas de problème de lutte intérieure.
 Avec les autres : à commencer avec Eve.
 Avec la Création : il n’y avait pas de peurs des prédateurs, les arbres lui donnait à manger, etc.

On a longtemps opéré une triple distinction dans les biens offerts par Dieu à l’homme lors de la création :

  Les biens naturels : c’est-à-dire ceux qui correspondent à la nature humaine : l’intelligence, le psychisme, la mémoire, etc.
  Les biens surnaturels : celle qui permet de vivre une amitié directe avec Dieu. On voit Adam parler directement à Dieu, sans intermédiaire. C’est cela les biens surnaturels. On les appelle plus simplement la grâce.
  Deux sortes de biens qui sont entre les deux : c’est-à-dire les biens qui ne sont pas exigés par la nature humaine mais qui la perfectionne sans aller jusqu’à la communion avec Dieu. On entend par là l’immortalité et l’intégrité morale (absence de concupiscence).

Mais le péché originel est arrivé, et a marqué définitivement chaque homme après lui.
Il y a désormais deux sortes de péchés :
  Péché originel : celui d’Adam qui nous marque chacun, mais nous ne sommes pas personnellement responsable. Mais il se transmet de génération en génération.
  Péché que je commets personnellement : le mal en nous et dans les autres.

Double perte :
  Perte de cette communion avec Dieu : on n’est plus en contact avec lui, on ne le sent pas. Si bien que beaucoup doute de son existence puisqu’on ne le voit pas, on ne l’entend plus.
  Perte de cette harmonie :
o Avec Dieu : il suffit de voir comment on le rejette ou comment on fait des horreurs en son nom.
o Avec nous-mêmes : notre cœur est divisé. On blesse des gens sans le vouloir et on n’arrive pas à être la personne bien qu’on voudrait être.
o Avec les autres : qui peut dire qu’on vit en paix avec les autres, à notre niveau, au niveau de son travail, du pays ou du monde ?
o Avec la Création : l’exemple du réchauffement climatique est une bonne illustration.
Mais on n’est pas au ciel, et pour pouvoir avoir cette vie éternelle, on a une autoroute : le baptême :
  Les non baptisés : peuvent y arriver, mais c’est comme aller de Cahors à Lourdes. Je préfère y aller par l’autoroute (baptême) que les chemins vicinaux.

Quels sont les effets de notre baptême, et pourquoi faut-il encore se confesser ?
  Le péché originel : qui est remis, sans notre accord de notre part car il n’est pas de la faute, mais de celle d’Adam. Avec mon baptême, je reçois ma libération sans mon consentement.
  Mes péchés de chaque jour : comme je les ai fait consciemment, ils ne peuvent pas être remis sans mon consentement. Il faut que je sois d’accord pour être libéré des conséquences de mes péchés. Pour cela, il y a la confession.
Mais si je suis baptisé, pourquoi alors est-ce que je peux continuer de pécher et je continue de mourir ?
On l’a vu, il y a 3 sortes de biens que Dieu nous a donnés au début, avant le péché originel :
  Les biens matériels : mon intelligence, mémoire, etc. que je n’ai pas perdu avec le péché originel,
  Les biens surnaturels : le contact direct avec Dieu. Perdu après le péché originel, le baptême nous le redonne mais de façon voilée, comme dans un miroir, dit st Paul.
  Les biens entre les deux : l’immortalité et le fait de ne pas pécher. Ca aussi, on l’a perdu lors du péché originel, mais le baptême ne nous les redonne pas sur la Terre. On n’est plus obligé de pécher, mais il reste nos cicatrices et les tentations. Avec le baptême, on a beaucoup plus de force de lutter mais on reste vulnérable et nous sommes totalement libres. Alors, si nous nous laissons prendre aux pièges du Tentateur, reste le sacrement de réconciliation pour remettre les pendules à l’heure !

Texte essentiel à connaître : Jn 20, 21-23 : le texte qui fonde le sacrement de pénitence et de réconciliation, c’est : « Il souffla sur les Apôtres et leur dit « recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les maintiendrez, ils leur seront retenus ».

Pour une vraie confession, il faut donc vivre le chemin suivant :
  Mettre le Christ au centre : Reconnaître que Dieu a la main dans ma vie : qu’il veut mon bonheur et fait tout pour y arriver (foi en Dieu),
  Rendre grâce pour le bon dans ma vie, toujours supérieur au mal : Reconnaître l’œuvre merveilleuse de la créature que je suis, et les merveilles de Dieu dans ma vie, qui dépasseront toujours les épreuves, aussi terribles qu’elles soient. Et dans l’espérance, confesser que, même si on ne sait pas comment, Dieu aura le dernier mot dans ma vie pour mon bonheur (louange et action de grâce),
  Prendre conscience de ses faiblesses, de ses aveuglements : et rendre grâce que ce sont les chemins toujours les mêmes d’interpellations de la part du Christ pour nous faire réagir. Mais aussi voir où on freine l’action de Dieu en moi, envers les autres, envers Lui.
  Cela débouche sur une vraie contrition : regretter du fond du cœur ces freins au bonheur que je mets consciemment, tout ce qui me fait mal à l’intérieur et qui empêche la joie de Dieu de s’épanouir. On a utilisé l’image des larmes, en référence à l’eau du baptême. Pleurer son péché, c’est exprimer son regret profond.
Et ce n’est qu’à ce moment qu’on va confesser nos péchés : en ayant donc, avant, mis le Christ au centre, la beauté de son œuvre en avant, mon chemin de bonheur –personnel et communautaire- on va à la fois confesser ses péchés (pour recevoir le pardon), et demander la force de beaucoup moins tomber, la force de nous relever.
On va alors s’affirmer comme étant nous-même plus grand (et différent) que notre péché puisque nous pouvons en parler. Il y a un décentrement qui permet à ce qu’il ne se confonde pas avec le péché. Ca aussi, c’est un aspect central : ne jamais confondre péché et pécheur !
Ce n’est pas une thérapie psychologique (même si cette dimension est présente) mais d’abord la place première de la rencontre avec Dieu. La confession n’est pas une annulation du péché (puisqu’il y a la réparation), ni un retour à un état de pureté antérieure. Ce n’est pas un retour en arrière (comme si on revenait à l’état d’Adam avant la chute), mais une marche en avant.
Plutôt que de vouloir effacer son péché, il faut accepter de se laisser présenter à Dieu parce qu’on n’est pas présentable ! Et l’aveu à quelqu’un d’autre que moi est la marque de ce décentrement. L’aveu permet que l’examen de conscience ne soit pas un enfermement mais une ouverture à la miséricorde de Dieu.
C’est un aveu personnel et ecclésial du pénitent. Le prêtre agit en la personne du Christ mais aussi en la personne de l’Eglise, Epouse du Christ : ne pas l’oublier ! Ca permet de ne pas oublier le caractère social du péché. C’est la communauté lésée par le péché qui accueille de nouveau le pécheur pour le pardonner. Mais je n’insisterai pas là-dessus.
En tout cas, cette dimension ecclésiale blessée ne doit pas excuser les absolutions collectives : parce qu’elles ne marchent pas, tout simplement, et parce que la dimension personnelle –ma liberté qui s’exprime et qui s’est mal exprimé en commettant un péché- doit recevoir un pardon personnel, ainsi que les grâces personnelles dont j’ai besoin, mais qui sont différentes de mon voisin, car je suis unique comme lui est unique, parce que mon chemin est unique et que mes chutes sont différentes des autres !
Et enfin, après le pardon reçu, il y a la satisfaction qu’il ne faut pas oublier ! Ca évite le pardon trop facile. Il y a un acte de réparation sur lequel peut se réaliser une vraie réconciliation. Le pardon de Dieu n’ignore pas cette dimension anthropologique de la Réconciliation. Ce n’est pas un prix à payer pour le pardon acquis mais c’est un symbole du prix et du sérieux qu’on prend de la miséricorde divine. On arrivera au ciel que comme pécheur à qui Dieu fait miséricorde. Tout le monde peut être confiant, s’il se tourne et s’ouvre à Dieu, à cause de la miséricorde du Seigneur.

Nous pouvons nous mettre à l’école de Sainte Thérèse qui disait au moment de mourir : « maintenant, si j’avais commis les pires crimes, j’aurais exactement la même confiance en la miséricorde de Dieu ». Nous le chantons parfois. Elle est arrivée au ciel comme une pauvre aux mains vides mais ouvertes.
Ne jamais oublier que c’est Dieu qui nous montre nos fautes : nous ne nous voyons pécheurs qu’à la lumière de Dieu. Le pécheur est aveugle et sourd. Ainsi, quand on dit qu’on ne sait pas quoi confesser… on, ressent bien qu’il y a un souci avec la présence de la lumière divine en mon cœur.

Pécher, c’est devenir « ténèbres » et les ténèbres en savent pas qu’elles sont noires. Le premier effet de l’Esprit Saint en nous, c’est de nous révéler l’ampleur de notre péché. C’est pour cela qu’on commence la confession en demandant au Père de nous bénir : « mon Père, bénissez-moi parce que j’ai péché » (et non « punissez-moi parce que j’ai péché »). Et on reçoit à la fin la bénédiction qui est pareille à celle que le prêtre donne au diacre avant qu’il aille proclamer l’Evangile car en venant demander le pardon de nos fautes, nous faisons office de diacre, nous annonçons la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Il y a une rémission des péchés et nous confessons la miséricorde de Dieu.

Ainsi, cela devient une joie de voir ses fautes : cela prouve que Dieu est à l’œuvre en nous. Il travaille en nous, Il ne nous laisse pas tranquilles. Si nous les remarquons, c’est parce que nous avons commencé à changer, nous avons décelé que nous pouvions dépasser nos fautes. Nous avons réussi à prendre un peu de recul pour les discerner. Cette certitude d’être sauvé est bien notre joie ; cette certitude d’être des pécheurs pardonnés et aimés de Dieu constitue la joie du pardon, du vrai pardon.
Le péché commet aussi des dégâts collatéraux : le pécheur doit essayer de réparer ses dégâts. Le plus visible, c’est quand la réparation est matérielle : par exemple, rendre ce qu’on a volé (cf. Zachée), ou celui qui a calomnié quelqu’un doit rétablir la vérité avant de recevoir l’absolution. Mais bien souvent, les péchés ne sont pas réparables. Le péché est cause de désordre dans notre cœur, notre famille, notre travail, notre culture, notre société, etc. Tout ceci crée une structure de péché : cette structure reste toujours la cause de la multiplication des péchés personnels.
Il y a encore une dernière dimension de ce pardon qu’il nous reste à signaler : ce pardon de Dieu doit devenir si vivant et agissant en nous que nous pardonnions à tous les autres. C’est ainsi que nous témoignerons notre joie d’être pardonné, d’être capables de pardonner et qu’un autre chemin est possible ici-bas, celui de la circulation de l’amour.

Il n’y a qu’une chose que Dieu ne peut pas nous pardonner : si nous ne pardonnons pas à nous-mêmes et aux autres. L’enfer est peut-être le lieu des pardons refusés car il n’y aurait pas d’enfer si l’homme imitait la miséricorde de Dieu.

CONCLUSION :
Oui, c’est un sacrement difficile ! On l’a vu tout au long de cette soirée. Mais si beau car il est chemin de vie, de reconstruction, d’épanouissement. Il enlève toute culpabilité, il ouvre de nouveaux horizons dans ma vie. Il m’aide à entrer dans l’histoire même du salut, dans l’histoire de l’humanité à laquelle j’appartiens, il m’aide à sentir combien je fais partie de l’Eglise sainte mais toujours appelée à se convertir car elle est composée de personnes pécheurs (dont je fais partie, pierre vivante !). Ce sacrement embrasse aussi toute la fin des temps…
Ce sacrement est le prolongement direct du baptême : la pénitence est à situer dans le prolongement du baptême pour restaurer en moi la grâce de mon état de Fils de Dieu que je suis.
La pénitence est une réalité de toute vie chrétienne : ce n’est pas facultatif, il y a là une révélation de l’Eglise entière. Le Christ lui-même est le modèle des pénitents, non parce qu’il a péché mais parce qu’il a souffert pour les pécheurs. En portant sa croix, le chrétien participe aux souffrances du Christ, il apprend à mourir à lui-même pour les autres.
La pénitence chrétienne ne se comprend qu’avec le mystère pascal. Mais je le laisse de côté, car Jean-Pierre vous en parlera sûrement la semaine prochaine.
La pénitence et la rémission des péchés : cela vient de la mort et de la résurrection du Christ, il ne peut y avoir rémission des péchés hors de la croix. Donc chaque fois qu’il y a pénitence, il y a référence à l’offrande du Christ.
Outre le sacrement lui-même, nous devrons essayer de multiplier les lieux où on peut célébrer la pénitence. Jean-Pierre a donné des dates de célébrations pénitentielles : il n’y aura jamais l’absolution collective. Mais elles doivent permettre progressivement de revenir au sacrement de réconciliation trop longtemps en déserrance dans la paroisse Notre Dame des Neiges.
Elles ont une valeur en elles-mêmes et notamment pour ceux qui sont privés de l’eucharistie et pour l’initiation des enfants. D’où le fait que chaque année, nous confessons tous les enfants du KT. Tous ces lieux de rassemblement permettent d’exhorter à un changement de vie.

En conclusion, il faudrait peut-être méditer quelques pistes pour développer :
  Une pastorale de l’accueil du don de la réconciliation : il faut passer d’une pastorale de la prescription à une pastorale de l’invitation. Si on comprend que la réconciliation est un trésor, on imagine que l’on a tort de s’en passer. La pastorale du « tout ou rien » est absurde et contraire à l’Evangile. Ca demande de respecter ce temps de chacun. On peut sensibiliser les fidèles que ce sacrement est un appel à la conversion, au changement de vie.
  Une pastorale qui s’étale dans le temps : on ne peut réduire la pastorale à quelques heures avant les fêtes ou au seul sacrement. Il faut du temps pour se convertir, et il faut trouver des moyens pour accompagner.
  Ca se met dans une démarche plus grande : réconciliation entre personnes, lutte pour la paix, etc. pour qu’on ne se dise pas « je me confesse et c’est fini ». Afin que le sacrement porte des fruits en abondance dans le monde, et cela ne se fera pas sans nous.
Il n’y a pas de recette toute faite pour retrouver ce sacrement. On peut proposer des chemins de conversion qui permettrait à chacun de retrouver un chemin de conversion personnelle qui prendrait en compte le temps nécessaire à chacun, respectant notre dignité, notre liberté et notre chemin personnel. Mais on ne pourra jamais prendre la décision à votre place ou vous obliger à vous confesser !
Bonne montée vers Pâques et… à très bientôt pour une rencontre autour du Sacrement de la Miséricorde ! Amen !

Répondre à cet article